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Le financement d'un vitrail

« Acheter un vitrail » est un rêve chez beaucoup, qu’ils n’osent parfois pas formuler, car cet objet rare leur semble inaccessible et hors de prix.
En réalité le vitrail se situe entre l’œuvre d’art et l’objet artisanal, dans un équilibre qui permet de le chiffrer concrètement.
S’il est vrai que la création produit des vitraux uniques, et que le prix de ces vitraux est donc tout aussi unique,
il est possible d’avancer quelques principes pour évaluer le coût d’un vitrail en projet.

Les principes de calcul du coût d'un vitrail

L’artiste crée des œuvres uniques

Distinction artisan et commerçant

La définition juridique de l’artisan est « celui qui transforme la matière ».
Cette belle définition le distingue aussitôt du commerçant, qui ne transforme rien, et ne crée donc pas non plus.
L’artisan ne fait pas de commerce ;
s’il reçoit une somme d’argent c’est pour la création d’une œuvre. S’il fait des bénéfices, ils sont non commerciaux.

Distinction artisan et artiste

L’artiste, lui, est une sorte d’artisan, qui se distingue en créant des œuvres originales et uniques.
Par déduction, il ne fait pas d’objet en série, et il ne fait pas non plus de restauration.
De facto, la Maison des Artistes, l’organisme qui délivre leur statut aux artistes français,
a concédé aux artistes de faire une part de leur chiffre d’affaires en restauration par année.
Cet assouplissement doit rester une exception, car ce domaine de la restauration doit être laissé aux artisans.

Pas de clients, des commanditaires

L’artiste crée donc des œuvres uniques ; il n’a pas des clients, mais des commanditaires.
Le terme juste est commander un vitrail, car, si quelques vitraux déjà réalisés sont disponibles à l’atelier,
un artiste a essentiellement pour mission de réaliser un vitrail qui soit la réponse au souhait d’un commanditaire.
C’est donc plus que sur-mesure, qui est le mot de l’artisan, c’est sur inspiration.

Commanditaires et cocréateur

La composition artistique est faite dans un échange avec le commanditaire, et l’œuvre qui en est issue est unique.
Elle n’est pas la reproduction d’un objet, ni même la copie d’une œuvre de maître.
Elle est le fruit d’une collaboration entre le commanditaire qui communique son projet personnel,
et l’artiste qui traduit en vitrail ce que lui inspire ce projet.
Les commanditaires sont tout aussi uniques que leurs commandes, et ils s’impliquent tous de manière différente,
entre ceux qui donnent « carte blanche », et ceux qui donnent une image et suivent le processus de création par étapes.

Le dessin donne le prix

Pour chiffrer il faut dessiner

Par déductions, le commanditaire (et le visiteur de ce site) doit comprendre
qu’il n’est pas possible de donner un prix de son futur vitrail simplement en échangeant quelques mots.
Comme chaque vitrail est unique, son coût de production l’est donc aussi.
Il existe des maisons toutes faites, dont le prix peut être affiché par avance,
moyennant quelques réserves, puisque les terrains où elles seront installées sont, eux, uniques.
Mais si vous faites créer une maison, vous savez qu’il va falloir faire des plans.
Quand les plans auront été conçus avec l’architecte, alors ce dernier pourra chiffrer le coût de la construction.
De même pour un vitrail :
c’est en faisant un dessin, puis une maquette, que nous saurons combien coûtera la réalisation du projet.

Le prix obéit au dessin

Le grand avantage de cet ordre imposé par l’art, est que celui qui sait dessiner pourra aussi redessiner.
Si l’œuvre est dessinée complexe et perfectionnée, elle sera chère à réaliser.
Et si elle est trop chère, elle ne pourra voir le jour. Alors il est possible de simplifier le dessin.
À dessin simplifié, prix baissé.

Un exemple d'ajustement

Je me souviens d’un vitrail de la Sainte Famille, qui m’avait été commandé en 2015.
Il s’agissait d’une composition qui devait prendre place dans un oculus d’un mètre de diamètre.
Je fis mon premier dessin, et il est bien accueilli par les commanditaires.
Mais lorsque je fis mon devis, il était trop cher.
Je fis donc un second dessin : les éléments du décors étaient plus simples, la couleur de fond unie.
Seuls les personnages avaient gardé leur détail, et avaient même été améliorés.
Je calculais alors le coût de production : il avait baissé d’un tiers.
Le devis fut accepté, et aujourd’hui le vitrail rend toujours son service de lumière
dans la chapelle du quinzième siècle où il est posé.

L’artisan vend son temps

Partie artistique et partie artisanale

Voici un rappel de la particularité de l’art du vitrail :
la phase artisanale est très importante et son chiffrage est très concret (lien vers les aides).
Autrement dit, à côté de l’étincelle de l’inspiration qui peut prendre un instant,
il y a la réalisation qui prend du temps, beaucoup de temps, un temps incompressible.
Loin de l’insécurité morale que donne la tentative de chiffrer « l’étincelle de génie » ,
où « la juste valeur de mon talent », c’est la rassurante maxime « l’artisan vend son temps »
sur laquelle je me fonde pour fixer le prix d’un vitrail en projet.

Un devis fondé sur l’évaluation du temps

Par conséquent, pas de devis « au feeling .»
Si la qualité d’une œuvre me convainc qu’elle valait plus que le prix de l’heure pour laquelle je l’ai réalisée,
c’est en la contemplant une fois achevée que je le saurai.

Comme il n’est pas possible de fonctionner ainsi en mettant la charrue avant les bœufs,
c’est en évaluant le nombre d’heures que nous passerons au travail que je peux donner au commanditaire le coût de son projet.

« Connais-toi toi-même. »

Tout l’art est donc pour moi d’évaluer le temps que prendra la réalisation du rêve de mon commanditaire.
J’applique donc une autre maxime, « Connais-toi toi-même .»
La célèbre phrase, inscrite au frontispice du temple de Delphes et reprise par Socrate
rend son service aussi dans l’art du vitrail. 

Après 14 années et 8 mois de travail dans mon atelier, et à force de noter les différentes étapes heure par heure,
j’ai des repères dans mon rythme de travail. En voici quelques-uns, dans la chapitre qui suit …

Distinguer pour mieux chiffrer

Les trois étapes les plus longues

Les trois étapes de travail qui me coûtent le plus en temps sont :
Le façonnage du verre : incluant le choix des couleurs et des textures, puis la coupe et meulage des pièces.
la gravure à l’acide fluorhydrique : incluant la pose du film de protection, la découpe au scalpel,
la plongée dans le bain d’acide, le rinçage des pièces, l’enlèvement du film, et le rangement.
La peinture sur verre : incluant l’application de la grisaille ou des émaux, les enlevés à la pointe, et la cuisson.

De ces trois étapes, seule la première est obligatoire dans la réalisation d’un vitrail. 
En novembre 2023, nous avons complété le tryptique des vitraux de l’oratoire des SUF.
Les deux vitraux qui encadrent le vitrail du Christ sont sans gravure ni peinture sur verre.

Leur trois cadences de travail

En coupe de verre :
Je sais que je produis 6 pièces de verre à l’heure lorsque le vitrail est fin et complexe.
Ce sera 8 pièces à l’heure si les coupes sont plus basiques,
et 20 pièces à l’heure si je peux travailler à l’aide de piges, sur des pièces géométriques en série. 

Pour la gravure :
La pose des films plastique est de l’ordre de 9 pièces à l’heure.
La découpe au scalpel est inchiffrable sans dessin :
entre un chef d’œuvre de dentelle et une simple moitié de verre découverte, le temps passé est sans commune mesure.
La plongée dans le bac d’acide dépend du type de verre :
certaines gravures sont faites en 5 minutes, quand d’autres prennent presque 3 heures.
C’est en fonction de la couleur (composition chimique du verre) et de l’épaisseur de la partie du verre à attaquer.
Le rinçage et le rangement des bacs d’acide et du matériel prend toujours entre 1 heure et 1 heure et demie.
L’enlèvement des films plastiques est lui une opération longue : 30 pièces à l’heure environ.

La peinture sur verre :
Elle dépend beaucoup des visages : un visage supérieur à 2 centimètres demande une à cinq heures de peinture.
Il est très préjudiciable de faire un visage « sur un coup de bourre », sans relecture de l’expression.
Le reste est beaucoup plus facile. Une fois que la pièce est cuite à 640°, les traits sont fixés à jamais.

Les autres étapes en atelier

Les autres tâches sont plus simples :
Le sertissage en cuivre me prend en moyenne 2.5 minutes par pièce.
Le soudage et contre-soudage (le vitrail est soudé des deux cotés) prend environ 1 heure pour cinquante pièces,
mais cela dépend évidemment de la longueur des pièces pour ce qui est du vitrail serti au cuivre.

Cette série d’étape laisse deviner que c’est après le dessin du vitrail que le prix peut être évalué,
puisque le nombre de pièces de verre apparaît lorsque « le chemin d’étain » est fait, d’après le dessin.

Suivent les encadrements, le nettoyage, l’éventuelle mise en double vitrage, la manutention et la pose du vitrail.

Une étape à part : la pose

La pose des vitraux est une étape à part : elle peut prendre 10 minutes comme elle peut prendre 40 heures !
Ce dernier chiffre me vient de la maçonnerie des vitraux de l’église de Vibrac.
Vitrail simplement suspendu, inséré dans une feuillure ; ou fixé en maçonnerie, avec des parecloses, en bois, en métal ?

Cette seconde série, de l’encadrement à la pose du vitrail,
montre qu’il est nécessaire de savoir où et comment le vitrail sera posé, pour évaluer le temps de travail.

Le coût de la matière première

C’est la seule chose qui puisse être chiffré à la superficie.
Le verre antique coûte, en moyenne et actuellement, 350 euros du mètre carré
Lors du calcul il faut ajouter 1/3 de surface pour tenir compte des chutes de verre et des casses.

Le cuivre coûte 2 euros pour 3 mètres, mais il est difficile de chiffrer les longueurs de soudure.
L’étain coûte 60 euros au kilo. Mais son chiffrage pose le même problème que pour le cuivre.
Le laiton coûte entre 7 et 15 euros par mètres, selon le type de cadre utilisé : cornière, plat ou coulisse.

Les frais supplémentaires

Ce sont essentiellement les frais de déplacement,
où j’applique le traditionnel 50 centimes du kilomètre lors des voyages avec le fourgon.
La mise en double vitrage, où un verre « Cristal » extra-clair de 4 mm coûte 100 euros du m².
les frais de gestion lorsque les échanges par mail dépassent plusieurs heures…

Le calcul de la TVA

Enfin arrive le calcul de la TVA : elle est à 5.5 %,
ce qui est une chance pour les particuliers, les communautés, les collectivités, les associations,
brefs tous ceux qui ne récupèrent pas la TVA.
C’est ainsi qu’au lieu de payer 1200 euros pour une commande de 1000 euros, le commanditaire paye 1055 euros.