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Créer un vitrail

Le dessin des vitraux, photo de Paul Challan Belval, artiste et verrier

1, Le dessin du vitrail

Remarquables à l’atelier, les dessins requièrent du matériel de précisions, des mesures rigoureuses. Parfois plusieurs maquettes sont réalisées, selon différentes inspirations, afin de trouver celle qui convient le mieux.

Le dessin d’un artiste verrier ne doit pas seulement répondre à un appel esthétique, mais encore pratique ; car certaines formes et certains effets ne pourront être reproduits en vitrail. Deux vidéos produites pour une église orthodoxe précisent quels sont les contraintes du dessin de Maître-verrier : 

2, La coloration du vitrail

Un temps de contemplation. Echantillons de verres colorés, aquarelle, colorisation numérique… Il est bon de se donner les moyens de percevoir les couleurs ensemble. La nature recèle des trésors d’harmonisations de coloris, et elle est un guide précieux dans la coloration du futur vitrail.

Les teintes de verre ne sont pas seules à être prises en compte ; mais leurs textures sont également observées : verres plissés ou plats, offrant peu de bulles ou « très bullés », verre « plaqués » ou d’une seule feuille… 

3, Le plan du vitrail

Une fois la maquette choisie, elle est reprographiée sur une nouvelle feuille épaisse, à l’aide d’une table lumineuse. Des photocopies sont aussi réalisées et des agrandissements s’il y a lieu.

Seuls les traits délimitant les futures pièces de verre y sont dessinés. Ils représentent ce que nous appelons le « chemin d’étain ».

Apparaissent alors, dans ce dessin, les calibres qui seront ensuite découpés et serviront pour la coupe des verres.

4, La coupe de verre

Quelques outils : un coupe verre, deux pinces et un peu d’huile de coupe.
Bien pris en main, le coupe verre suit précisément la trajectoire.
 Il crée une fente, mais celle-ci est encore superficielle.
Grâce aux deux pinces, aux jeux exercés et maitrisés par celles-ci, la fente s’entrouvre peu à peu, « filant » là où l’artisan le désire (ou l’espère). Il s’agit de ce que nous appelons « l’art de faire filer ». Cette étape est importante car elle permet la réalisation de coupes très difficiles souvent présentes dans nos vitraux.
   La coupe peut être :
Au calibre, pour les pièces uniques et courbées.
A la pige, pour les pièces répétitives et droites.
A la tournette pour les pièces parfaitement circulaires.
A l’anglaise, pour les pièces à rectifier à l’assemblage.

5, L'ajustement des coupes

Une attention particulière doit être accordée à la précision de la coupe et à ses ajustements. La technique de sertissage que nous utilisons ( « Tiffany », voir plus bas) nécessite que les pièces de verre soient mises exactement bord-à-bord, telles celles d’un puzzle.
Ainsi, deux outils d’ajustement s’ajoutent aux précédents : une pince à gruger, pouvant tailler les aspérités dépassant du verre, et une meuleuse diamantée, venant lisser les « morsures » de la taille quand nécessaire. Le verre étant classé comme une sorte de liquide, et le diamant étant un solide dont les atomes sont cristallisés, la meule diamantée use rapidement le verre en excès.

6, La gravure à l'acide

Quelques pièces de verre plaquées peuvent être gravées pour laisser apparaître, en transparence, un motif ou un élément du dessin.
Ces pièces sont soigneusement recouvertes d’un film plastique autocollant (marouflage) dans lequel le motif est minutieusement découpé au scalpel.

Elles sont ensuite déposées dans un bain d’acide fluorhydrique. Ce produit est très dangereux, y compris pas ses vapeurs ; son usage nécessite de la rigueur et le matériel de sécurité adapté.
L’acide ronge la couche colorée du verre partout où le plastique a été découpé, et le motif apparaît. Libérées de leur film et rincées, les pièces de verres peuvent rejoindre le reste du vitrail en création.

7, La peinture sur verre

Une table lumineuse, des pinceaux très fins et des « blaireaux » très larges, des pointes à enlever, beaucoup de délicatesse et de patience. 
La peinture est créée à partir de l’une ou l’autre des poudres suivantes :
  Les grisailles : oxydes de plomb de couleurs ternes. Elles sont utilisées pour les traits des visages, notamment. Le jaune d’argent : un cément qui teinte les atomes de verre en doré, par échange entre les ions argent et les ions étain du verre.
 Les émaux : utilisés dans les peintures sur verre, pour apporter les couleurs à un verre blanc, avec une semi-transparentes. 
Cuites au four à plus de 600°C, ces peintures s’imprègnent dans le verre, et, en particulier pour les grisailles et la jaune d’argent, elles y resteront pour toujours.

8, Le sertissage au cuivre

Cette technique dite du « vitrail-Tiffany », est rare pour les grands formats, en raison de la précision qu’elle exige. Une fois l’ensemble des pièces réalisées et bien ajustées, chacune est minutieusement sertie d’un fil de cuivre autocollant. Le cuivre, badigeonné de décapant, est le métal qui permettra à l’étain de s’accrocher et de souder les pièces entre elles.
Les avantages de la technique, inventée par Louis-Comfort Tiffany à l’aube du XX siècle, sont la finesse des soudures, leur tenue dans le temps, le fait que l’étain soit le seul métal avec l’or à ne pas perdre son éclat, et la possibilité de poser les pièces par-dessus…une libération pour l’art du vitrailliste.

9, Le soudage à l'étain

Le soudage commence, une baguette d’étain dans une main et un fer-à-souder à 400°C dans l’autre.
Il s’agit de solidariser à l’étain, délicatement, l’ensemble des bordures de cuivre de chaque pièce de verre du vitrail. Ceci sur sa face avant (soudage) comme sur sa face arrière (contre-soudage). Le décapant-cuivre est appliqué au pinceau.
Comme la soudure court tout le long des cuivres, et non plus seulement aux intersections comme pour le vitrail traditionnel au plomb, la tenue est bien meilleure dans le temps, car l’étain est tout à fait solide, à contrario du plomb qui est moue et s’affaisse toujours avec le temps, en dépit des renforts qui doivent le soutenir.

10, L'encadrement de laiton

Pour encadrer le vitrail et lui donner une solidité qui permette son transport et sa tenue dans le temps, différentes pièces de laiton sont taillées, parfois courbées, pour venir l’entourer : il s’agit de plats, de cornières, et de coulisses.

Elles sont à leur tour soudées avec de l’étain, renforçant la structure et la tenue du vitrail. En effet, cuivre, étain et laiton sont trois métaux compatibles, pour le plus grand bonheur du vitrailliste. Le laiton peut aussi être brasé à l’argent, c’est-à-dire au chalumeau et à 900°, et donc avant que les pièces de verres soient insérées dans l’armature. La brasure donne une solidité encore plus grande au cadre de laiton.  

11, La mise en double vitrage

Bien que le vitrail ainsi réalisé soit déjà isolant et résistant au temps et aux intempéries, il est possible, pour le protéger de tout choc, de le mettre en simple ou double vitrage.
Cette possibilité est particulièrement propice à la technique de sertissage et de soudage (« en Tiffany ») utilisée ; car elle permet alors de faire des soudures très fines sans craindre les casses qui viennent avec le temps. Elle ne donne qu’une faible épaisseur au vitrail et lui permet de se tenir sans « vergettes », à la différence du vitrail en plomb.
La mise en double vitrage libère l’art, ne le rendant plus tributaire d’une structure lourde, avec barlotières et vergettes.

12, La pose du vitrail

La pose du vitrail dépendra des murs qui le recevront.
Les vitraux peuvent être posés en maçonnerie traditionnelle, en maçonnerie sur le double vitrage, dans une huisserie ou une feuillure en bois, dans une structure métallique. Le vitrail peut constituer la fenêtre, être contre une fenêtre, ou dans la fenêtre s’il est mis en double vitrage auparavant. Les petits vitraux peuvent être en présentoir, coffrages et châssis, et les plus petits d’entre eux suspendus.
La pose des vitraux a été et est pour le vitrailliste une obligation de se former toujours, et de maîtriser des techniques d’autres métiers : maçonnerie, menuiserie, ferronnerie, conduite de nacelles.
Il est important que celui qui a créé les vitraux de ses mains, et connaît donc chaque pièce de verre de l’ouvrage, pose lui-même ses vitraux ; c’est néanmoins un des moments où l’assistance des autres peut être la plus nécessaire.